Case n°5 du Jeu de B. : l’écrin

Face à la proposition de Lauriane Tresserre de réagir au texte Le temps de la domestication des escargots, j’ai décidé de travailler avec de l’argile rouge pour façonner un écrin pour une plante déjà en pot, une belladone (Atropa belladonna). Cette idée m’est venue en questionnant la pertinence d’une « mise en scène » de plantes en espace muséal, à la manière de Klara Kristalova, en confrontant la sculpture et le vivant. Cette confrontation m’était déjà apparue évidente avec « sentier de charme » de G. Penone au domaine de Kerguehennec.

Confinement oblige, la sculpture ne sera pas cuite mais laissée à la rigueur des éléments. Cette approche fragile me paraît d’autant plus intéressante qu’elle rappelle les escargotières d’Arudy, elles aussi confrontées à l’oubli. Elle aborde aussi l’idée d’un travail empirique comme l’installation collaborative de Urs Fischer au MOCA en 2013, ou 1500 personnes avaient été invitée à venir travailler l’argile dans un espace commun.

L’escargotière de Poeymaù m’intéresse par l’aspect de structure sociale oubliée qu’elle revêt, à la manière d’une uchronie. Le monticule de coquilles d’escargots retrouvé dans les fouilles me fais penser à de la matière fertiligène, comme une strate d’humus mais aussi à des ruines oubliées, ancien centre d’activité délaissé dans une période dont nous ne savons que peu de chose. En suivant ce cheminement de pensée, j’ai façonné une sculpture qui enserre un pot de fleur, entre le piège et l’écrin. Dans un premier temps, la forme était pensée pour évoquer un tas de coquille d’escargot mais le processus a dévié au fur et à mesure du geste. Les premiers modelés imitent de vagues formes de coquilles. Pendant que le geste se répète, mes pensées vont vers le nombre d’or et sa représentation en spirale. Je pense à cet extrait du texte de Lauriane :

[…] l’art de l’Azilien est tout à fait abstrait et nous laisse désemparés.

Le cheminement de ma pensée devient obscur. De la coquille d’hélix, par la représentation du nombre d’or que j’interprète alors comme son abstraction, je passe par l’utilisation de cette figure par les maîtres de la renaissance pour la construction de leurs chef-d’oeuvres, je reviens vers la condamnation à demi-mot de l’auteur des mots précédents, qui voit en l’abstraction une régression des savoirs-faire, puis je me rend compte que mon geste et devenu plus nerveux ; il en résulte que mes coups de couteaux dans l’argile donnent naissance à des minarets, dont le motif pourtant si proche de l’hélix, me rappelle la récurrence de cette forme dans mon travail.

Deux gestes répartis aléatoirement à la surface de ma sculpture semble illustrer maintenant ma lecture de ce texte : l’importance de l’organisation de cette société inconnue symbolisé par les minaret, et l’escargot comme modèle de construction.

Béranger Laymond, le 23 avril 2020